Le confinement en colocation

J’ai réalisé cette journée d’observation chez une amie qui est ma colocataire provisoire, nous sommes confinées dans son appartement sur Paris, dans le quartier de Belleville. L’appartement est au troisième étage, dans une rue très empruntée.

Nous sommes au mois de novembre, et il est 8h48, je suis réveillée par des bruits des travaux voisins. Je regarde l’heure sur mon téléphone, rumine dans mon lit et me rendors. Il est 9h12, les bruits des travaux me re-réveille, je prends mon téléphone, posé à côté de mon oreiller, et répond aux différents messages. À 9h36, je me lève, j’ouvre la porte de ma chambre et je râle dans le salon. 

Je marche vers la cuisine mon téléphone dans la main, je me filme énervée en parlant des travaux. Je vide l’eau de la bouilloire dans l’évier, remet de l’eau, pose la bouilloire sur son socle, et appuie sur le bouton « marche ». Je prends une tasse dans le placard derrière moi, je vais chercher du café soluble sur l’étagère à 2 mètres de là. Je prends une cuillère dans l’égouttoir, j’ouvre le pot de café soluble et verse 2 cuillères et demie de café soluble dans ma tasse. Je regarde par la fenêtre, j’éteins la bouilloire dont l’eau était en train de bouillir, je verse l’eau dans ma tasse, repose la bouilloire sur le socle et marche jusqu’au salon. 

Je me pose sur le canapé et roule une cigarette, avant d’aller dans ma chambre et récupère mon ordinateur sur le sol. Je reviens dans le salon, m’assoie sur le canapé et pose l’ordinateur à côté de moi. Je reprends ma cigarette, pour fumer. Il est 9h45, je commence à travailler. Je regarde les différents devoirs que j’ai à rendre. Je passe de Messenger à Moodle. Je parle avec ma collègue de travail puis ouvre un document sur un texte de Comte ainsi qu’un fichier texte avec des questions sur ce même texte. Je lis les deux premiers paragraphes. Il est 10h39, je sors une banane du sac posé sur une petite table à côté de mon canapé. Je l’épluche et la mange. Je reprends la lecture du texte de Comte. 

Il est 10h54, je reprends une cigarette, puis la repose dans le cendrier fumée aux deux tiers. Je reprends ma lecture sur mon ordinateur. Il est 10h59, il y a des bruits de travaux, je parle seule, énervée. Vingt minutes passent, il est 11h22, je finis ma cigarette, je me lève, ouvre la fenêtre, éteins le chauffage et reviens sur le canapé. Six minutes après, je vais fermer la fenêtre et allume le chauffage. Je vais ensuite dans ma chambre, prends mes chaussettes sur le sol et les enfile. Je prends ma brosse sur ma petite table, je me brosse les cheveux et repars dans le salon après. Il est maintenant 11h30, je reprends mon ordinateur et le pose sur mes genoux. Je finis d’une traite mon café. Cinq minutes sont passées, je me lève, prends les assiettes et tasses sales sur la table et les dépose dans l’évier de la cuisine. Je retourne dans le salon, prends le pain et le remet dans le placard de la cuisine. Je reviens dans le salon, prends le sel, poivre et sauce sur la table basse et les pose sur la grande table du salon. Je me remets sur le canapé, avec l’ordinateur sur les genoux.  

Il est 12h12, je suis à nouveau seule. Je me rassoie sur le canapé, prends l’ordinateur sur mes genoux et finis mon devoir. 

Il est 13h20, je prends une banane sur la petite table et la mange. Je vais chercher un yahourt dans le frigo, du sucre et une cuillère, je le mange sur la table basse dans le canapé. 10 minutes plus tard, je prends mon téléphone, le branche sur mon ordinateur et regarde des vidéos sur Instagram. 14h46, je commence un nouvel épisode de 10 pour cent. Je suis allongée sur le canapé, l’ordinateur est penché. À la fin de l’épisode, je marche jusqu’à ma chambre, fouille dans mon sac à dos et prends Le Deuxième Sexe de Simone de Beauvoir. Je me repose sur le canapé, retire le marque page et continue ma lecture. 

Il est 15h12, je stoppe ma lecture, me lève, vais chercher un verre dans la cuisine, ouvre le robinet et me sers de l’eau. Je referme le robinet et retourne sur le canapé. Je place le marque-page et ferme mon livre. Je me relève, mets mes chaussures, mon bonnet, mon manteau et mon masque. Je prends mes écouteurs et mon téléphone. Je mets mes écouteurs, prends la clef posée sur la table et sors de l’appartement. Je descends les 3 étages par les escaliers. En même temps, je remplis l’attestation, je coche « sortie pour courses ». En arrivant en bas des escaliers, j’appuie sur un premier bouton pour ouvrir une première porte. J’arrive dans un sas avec des boîtes aux lettres. Puis j’appuie sur un deuxième bouton pour ouvrir la porte qui donne sur la rue. Il y a beaucoup de monde dehors, les gens portent tous leurs masques, sauf ceux qui fument devant le tabac à l’angle de la rue. Un peu plus loin je passe devant un vieux magasin, où se sont installés des sans-abris. L’un joue de la musique, les deux autres parlent et fument. Deux portent des masques, qu’ils ont baissé au niveau du cou. Je passe à côté d’un arrêt de bus. Il y a 6 personnes, elles sont toutes serrées. J’arrive au carrefour. Je mets du gel hydroalcoolique en entrant. Je dis bonjour au vigile, il me répond. Je marche tout droit, puis prends une allée. Je récupère un paquet de serviettes hygiéniques. Le moins cher. Il y a deux personnes en caisses. Je n’ai croisé personne dans les rayons. Je me dirige vers la caisse. J’attends au niveau du marquage rouge puis je m’avance quand le client d’avant a fini de payer. Le caissier prend mon paquet et jongle avec. Je rigole, gênée. Je lui tends une pièce de 2€, il me rend la monnaie. Je sors du magasin. Je cache dans mon manteau le paquet. Je n’ai pas de sac. 

Arrivée dans l’appartement, je pose mon manteau. Je prends un sachet de haricots rouges cuisinés sur l’étagère de la cuisine, j’ouvre le sachet, mets le contenu dans un bol puis place le tout au micro-ondes. Je mange et m’installe sur le canapé, reprends mon ordinateur et regarde 2 épisodes de 10 pour cent

Il est 16h passées, ma colocataire sort de sa chambre. Je parle avec elle. Elle me dit qu’elle a bien dormi mais m’a entendu m’énerver dans la matinée. Elle me raconte qu’elle a tardé à se coucher car elle a commencé la saison 4 de la série 10 pour cent. Je lui réponds que je suis désolée pour le bruit du matin mais que c’est vraiment insupportable ces travaux. Je roule une cigarette, j’ouvre la fenêtre et fume à la fenêtre. Il y quelques personnes dans la rue qui marchent, et beaucoup de voitures. Il y a parmi elles une voiture de police, mais pas de gyrophare, rien. Un grand camion sort de sa place de parking, c’est étroit. Finalement, je referme la fenêtre éteint mon mégot dans le cendrier et me dirige vers la cuisine. J’ouvre une barquette de soupe, en verse dans un bol et je mets le bol au micro-ondes. Je récupère une cuillère à soupe dans l’égouttoir, mon bol chaud et m’assoie sur le canapé à côté de ma colocataire. Le canapé est petit et n’a que deux places (50 centimètres nous séparent au grand maximum). Je bois la soupe. Elle se lève et pars chercher un bol de maïs, elle récupère les épices sur la table et en mets dans son bol. 

Il est 16h35, je vais chercher mes affaires et prendre une douche. La douche est dans la cuisine entre deux murs, c’est très étroit. Je pose mes affaires sur une chaise et ferme le petit rideau qui fait office de porte. Je me brosse les dents. Mon amie me demande si elle peut me « piquer de la soupe » je lui réponds que oui, elle me demande de lui préciser le temps qu’il faut au micro-ondes. Vers 17h, je sors de la « fausse » salle de bain habillée, et je me dirige dans ma chambre récupérer ma trousse à maquillage. Je me maquille devant un grand miroir cassé dans le salon. Je me rassoie près de ma colocataire et commence à regarder un épisode de 10 pour cent. Elle commence également un épisode de cette série mais a 3 saisons d’avance. Elle me propose de regarder ce soir un film avec un des acteurs de la série, François Civil, qu’elle trouve vraiment charmant. Après la vision de l’épisode, j’en regarde un deuxième. 

À 17h49, ma colocataire sort de l’appartement. Dix minutes après, elle m’appelle en panique. Elle a oublié son pass Navigo et il n’est pas chargé. Je cherche sa pochette dans son tote bag, je prends ma carte bleue que je place dans sa pochette et je lui envoie par la fenêtre. 

Une heure après, ma colocataire rentre, elle sonne deux fois à la sonnette. Je me lève, me dirige vers la porte d’entrée et ouvre la porte grâce à la « tirette » sur le côté. Cinq minutes plus tard, elle vient dans le salon avec un tableau de Jésus (qui change quand on le bouge, sorte d’image holographique), un clou et un marteau. Elle cherche un endroit pour l’accrocher. Elle me demande mon avis. Je me lève et vais l’aider. Elle plante le clou qui comporte une boucle, me demande d’ouvrir la boucle. Je lui demande où est la pince coupante. On se dirige vers le salon, je prends, dans un petit meuble, la pince coupante posée parmi pleins de babioles sur la première étagère. On revient au niveau du tableau, j’ouvre le clou grâce à la pince. Ma colocataire prend le tableau et le fixe sur le crochet. Le crochet ne tient pas. Elle tape à plusieurs reprises dessus avec le marteau. Je prends le marteau et fais de même. Elle va chercher de la pâte à fixe dans sa chambre, revient et en fixe derrière le tableau. Le tableau tient grâce au crochet et à la pâte à fixe. 

Il est 19h15, ma colocataire roule une cigarette s’approche de la fenêtre, ouvre la fenêtre et fume. Elle chante « sans contrefaçon, je suis un garçon ». Je prends mon ordinateur et lance la musique de Mylène Farmer. On chante. Elle retourne ensuite dans sa chambre et ferme la porte. 

Il est 19h30, ma colocataire sort de sa chambre, me demande si ça l’ennuie qu’elle aille chez sa mère. Je réponds que oui avec ironie. Elle met ses chaussures, son écharpe et rigole en même temps. Dix minutes après elle est partie. 

Il est environ 22h, ma colocataire rentre. Elle me demande si j’ai choisi un film, je lui réponds que non je lui fais toujours confiance. Elle m’en propose plusieurs. Je place mon ordinateur sur une chaise. Elle s’assoie sur le canapé. Je vais dans sa chambre, prends le plaid sur son lit et revient dans le salon. On commence le film Le lauréat. Au bout de dix minutes, on change. Elle met Ce que pensent les femmes. On s’arrête à la moitié du film trop fatiguées. On se dit bonne nuit mutuellement, je passe prendre un verre d’eau dans la cuisine, me brosse les dents. J’éteins la lumière en retournant dans le salon. J’arrive dans ma chambre, ferme la porte. Je mets mon pyjama, je branche mon téléphone. Je reste une dizaine de minutes dessus, sur les réseaux. Je m’endors. 

Finalement, cette journée était peu productive. J’ai eu très peu d’interactions sociales. Même avec ma colocataire, les échanges étaient courts. Je n’ai pas l’impression d’avoir observé une de mes journées en temps de covid car pour le coup, mes échanges avec ma colocataire ne changent rien à la normale, on ne respecte pas les distanciations sociales, on ne porte évidemment pas de masque. Mes activités sont quasiment similaires, si ce n’est le fait que je sorte beaucoup moins. Mes actions sont donc répétées et peu diverses…

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