Observation d’une journée ordinaire de ma vie
On se réveille, il est 6 :25. Elle a passé la nuit avec moi. Je ne suis pas encore complètement habitué à ce nouveau scenario. J’essaie de bien saisir le moment, j’aimerais qu’il soit éternisé.
L’ambiance de ma chambre est confortable. Je ne la vois plus comme un carré minuscule et perturbant où il est impossible de passer une journée entière sans sortir. Au contraire, sa taille nous est favorable et je pense que je ne m’ennuierais jamais ici avec elle. Le désordre me plait et je le laisse sans ranger. J’essaie même de ne pas le défaire.
On se lève et on se prépare pour un cours. Du pain, café et une clope pour moi. Elle ne prend rien. Entre discussions, banalités et l’intimité qu’on partage, le temps passe incroyablement vite.
7 :52 – On sort en courant, on arrivera surement en retard au cours. Le paysage de la ville est contraint à mon état : il y a un vent glacial et les trottoirs sont encore mouillés de la pluie. Pourtant il ne me donne pas de mauvaises impressions comme d’habitude. Toute mon attention est ailleurs. Je n’observe les gens dans la rue qu’avec complet désintérêt et je ne retiens aucun visage. Elle marche vite devant moi et est préoccupée pour arriver à l’heure. Cela m’énerve.
8 :12 – On arrive à la salle de la fac destinée aux étudiants n’ayant pas des moyens informatiques : c’est un bel endroit, plein de places et avec des belles décorations au mûr. On y est les seuls étudiants pour l’instant. Le prof n’a pas encore démarré la conférence en ligne, on pense qu’il ne la fera pas. Elle me rappelle d’un travail à faire et à rendre au maximum pour le prochain jour. Je l’ignorais totalement jusqu’alors.
On descend à la cafeteria. Il n’y a personne et les chaises sont posées au-dessus des tables, comme en nous rappelant l’interdiction d’y être. Elle prend un chocolat dans la machine à café et on sort dehors. J’allume une clope. H. arrive et nous rejoint, elle est venue pour le même cours. Je ne la connais pas et je ne l’ai jamais vue. Il fait froid et on ne reste pas beaucoup de temps dehors. On revient à la salle.
Il y a une ambiance déraisonnable au Patio : un mélange de ce beau sentiment du lundi matin qui annonce la semaine et le vide d’un bâtiment complétement inoccupé, désert. On ne croise presque personne, à part quelques travailleurs qui normalement ne se font pas remarquer parmi des centaines d’étudiants.
Chacun se met à faire ses propres travaux puisqu’on n’a finalement pas de cours. Elle discute aisément avec H., elles se connaissent depuis un bon bout de temps et il me semble qu’elles ont beaucoup de sujets en commun. Je prends un peu de distance des conversations et j’arrêt d’y prêter attention. Je suis cependant à l’aise, je ne ressens pas l’obligation d’y participer.
Parfois je me mets à chercher son regard et je ne le trouve pas de la même façon avec laquelle elle me l’adressait quand on était seuls. Bizarre. Je commence un peu à me perturber avec leur conversation. Je m’irrite avec le travail de l’observation et le laisse de côté. Je me mets à réviser un autre cours.
C. arrive vers 10 heures et un quart. Elle s’installe dans une autre table à côté de nous et tournée vers H., de façon qu’on ferme un « cercle » et que chacun puisse regarder les autres sans avoir besoin de se tourner. Elle me parle de la distribution alimentaire qui a eu lieu le week-end. Le climat est suggestif pour discuter et on reste en engageant des petites conversations ici et là. Les sujets vont de brèves remarques sur une phrase lue à des souvenirs du week-end.
11 :38 – Je prends mon tabac à rouler pour aller fumer dehors. C. me demande si je vais fumer et vient avec moi. Les autres personnes restent dans la salle. On discute un peu de tout et n’importe quoi. Je pense que C. est une personne agréable avec qui on peut se mettre rapidement à l’aise. Pendant qu’on fume un travailleur nous lance un regard insistant avant qu’on se dise bonjour. Je me demande qu’est-ce qui pourrait se passer dans sa tête. On rentre dans la salle.
Après environ une demie heure on part pour manger et moi je me sépare du groupe et je vais vers chez moi. Je suis mort de fatigue. Je reviens à pied et j’ignore tout le chemin, je le regarde sans intérêt. Je ne pense qu’à elle…
En rentrant dans ma chambre les éléments désordonnés les plus banals me font penser aux moments qu’on a passé ensemble : le lit non fait, les vêtements jetés au sol, la vaisselle sale, les cannettes vides, du tabac à rouler un peu partout … J’allume une clope et je n’ai pas envie de me faire à manger. Dehors la ville semble indifférente et suit son cours. La nouveauté est dans ma chambre et mon esprit. Je m’allonge sur le lit et je dors sans rien manger.
Je me réveille quand il n’y a presque plus de clarté. Sur mon portable il y a trois messages, dont un vient d’elle. J’y vais voir directement : elle viendra ce soir. Je laisse les autres messages pour répondre après et je me fais à manger. Je me souviens de l’observation et l’idée de la faire me saoule. Je suis contraint de la faire.
Deux heures après elle sonne. La chambre est complétement rangée. On se met proche et on reste ensemble.
Pendant ce temps mon voisin qui habite dans la chambre à cote m’appelle sans aucun prétexte et juste pour discuter un peu. Il est un type intéressant : un artiste d’origine maghrébine qui a vers la quarantaine.
Vers 21h elle doit partir. Je l’accompagne jusqu’à l’arrêt non loin de mon bâtiment. Dans la rue il y a quelques piétons, des personnes se promenant avec leur chien, etc. J’évite de les regarder. Mon quartier étant un quartier bourgeois, je juge négativement les gens dans la rue.
En rentrant je me mets à penser sur les changements soulevés dès qu’on est ensemble : je ne pense que très rarement à mes problèmes financiers, j’éprouve plus de goût pour la faculté et je porte plus d’intérêt pour sortir, connaître la ville, etc. Cependant je n’arrive pas à ne pas faire des comparaisons avec des relations antérieures et cela m’angoisse.
Il est 23 : 55, je finis mes notes pour ce travail. Je prends un café, une clope et je vais me coucher. Malgré les nombreuses lectures liées à mon cours qui sont en retard, je me cherche un bouquin de poèmes. Je finis pour laisser tomber l’idée et je m’endors.