Mon observation commence au réveil. J’ai décidé de me confiner à nouveau seule dans mon appartement à Strasbourg, afin de ne pas avoir à revenir de chez mes parents en urgence au cas où un examen ou un retour en présentiel m’oblige à être à Strasbourg. Mon appartement n’étant pas équipé d’une connexion internet, je me rends quotidiennement à la faculté des sciences sociales pour pouvoir y suivre les cours sans problèmes. J’y retrouve d’autres personnes de ma promotion, qui réaliseront leur observation en même temps que moi.
Mon premier réveil, paramétré sur mon téléphone portable, sonne aux alentours de 8h. Je pourrais me lever, mais mon premier cours commence à 11h alors je n’en ai pas envie et reste dans mon lit à somnoler. Je mets généralement mon réveil assez tôt car avec le confinement, il est devenu assez dur de gérer la charge de travail, me lever tôt me laisse du temps pour essayer d’organiser un peu mieux mon travail personnel, cette technique s’avère assez inefficace puisque je suis souvent trop fatiguée pour sortir de mon lit.
Je me réveille à nouveau peu avant 9h, alors que cela fait plus d’une demi-heure que mon radio-réveil s’est allumé et diffuse une émission radio plutôt désagréable : des hommes qui débatte autour d’un quelconque sujet politique comme s’ils étaient sur BFM TV. C’est un SMS qui m’a réveillée. Je suis fatiguée, j’ai la gorge sèche et les yeux qui piquent, mais je réponds quand même au SMS de mon amie.
Je devais lui faire passer un questionnaire ce weekend, mais nous n’avons pas trouvé le temps, elle me contacte pour définir un nouvel horaire auquel nous pourrions nous appeler pour le faire. Nous nous mettons d’accord sur 16h30 le jour même. Notre conversation achève de me réveiller et 20 minutes plus tard je sors de mon lit. J’ai mal à la tête. Puisqu’aujourd’hui je m’observe moi-même, je réfléchis quelques secondes au déroulement de ma journée et aux comportements que mes amis, déjà à la fac à cette heure-ci, auront lors de l’observation (puisque nous sommes tous en train de nous observer, c’est une situation d’autant plus étrange).
Il me reste un peu de temps avant d’aller à la fac. Je prends une douche, m’habille avec les premiers vêtements venus, m’hydrate le visage et met mes lentilles de contact, avant de faire rapidement deux sandwichs pour le midi. Je bois un verre de jus d’orange en allant sur Twitter, puis j’éteint enfin mon radio réveil en attrapant un masque au passage et quitte mon appartement. C’est une routine assez bien huilée qui ne me prend jamais plus de 15 minutes.
J’hésite un court instant à descendre les escaliers de l’immeuble car j’entend du bruit, que je suppose provenir soit mon propriétaire, soit du propriétaire de la pizzeria qui vient de s’installer au rez-de-chaussée, et je n’ai envie de croiser aucun des deux personnages. Je me résigne finalement, n’entendant plus de bruit, et descend avec mon vélo.
Il s’agissait effectivement de mon propriétaire et je m’engage dans une discussion peu agréable. Je suis surprise qu’il me reconnaisse malgré le fait que je me sois rasé les cheveux et que je porte un masque. Il me parle de tentatives d’intrusion dans l’immeuble, et me demande en conséquent de fermer la porte de l’immeuble à clé, il me conseille aussi d’attacher mon vélo pour que je ne me le fasse pas voler, car je le laisse dans les parties communes de mon étage (« c’est un beau vélo, ça serait dommage »). Il me fait ce conseil depuis que j’ai emménagé, mais je ne suis jamais parvenu à en faire une habitude, probablement parce que c’est un petit immeuble et que je ne vois aucune raison pour qu’un voisin le vole.
La conversation terminée, je pédale jusqu’à la fac (il y a environ 2 km, j’y suis toujours en moins de 10minutes) et rejoint Alissa et Bruno au 3e étage du Patio aux alentours de 10h. Ils sont dans la même promotion que moi et nous suivons ensemble les cours à la fac car nous n’avons pas le matériel nécessaire chez nous pour suivre les cours à distance. Nous discutons de l’observation. Depuis notre salle nous entendons les bruits des travaux qui ont lieux dans la cour du Patio, mais ils ne sont pas tellement dérangeant. On peut parfois aussi entendre quelques discussions dans le couloir.
Quelques minutes après mon arrivée, Bruno part chercher un ordinateur prêté par la faculté, et Alissia s’en va à son tour pour revenir avec Sophie, très heureuse de remettre enfin les pieds à la fac (elle sautille d’excitation en arrivant). Je profite du court laps de temps où je suis seule pour mettre à jour mon observation. Comme personne n’a cours pour l’instant, nous reprenons nos discussions. Je cherche sur internet des licences professionnelles pendant Alissia et Sophie jouent à Shi-fu-mi. On parle aussi du nouvel ordinateur de Bruno.
J’ai un cours lire, mais ayant décroché depuis le 2e cours de l’année, je ne fais pas trop de formalités de mon inactivité. J’essaye de remettre de l’ordre dans mes cours et commence à les lire pendant un certain temps. Je décroche finalement et mange mes sandwichs à la place, en poursuivant nos discussions. A intervalles régulières, nous évoquons ce que nous écrivons dans nos notes d’observation.
Peu après midi, je reçois un SMS de mon propriétaire reprenant les informations qu’il m’avait communiqué ce matin. Comme le prochain cours est à 14h, Sophie tente de nous expliquer le dernier cours, qu’aucun de nous n’a compris, sans grand succès. J’essaye de me concentrer à nouveau sur le droit mais je ne suis pas motivée. J’en discute avec Sophie, qui n’arrive pas à le suivre non plus, et qui me dit que l’examen est en janvier. Nous concluons que nous pourrons travailler le cours pendant les vacances d’hiver.
Dans un élan de désespoir et de fatigue, je me couche sur une table, faisant rire mes trois comparses. Alissia me prend en photo pour immortaliser le moment. Je me relève lorsque Sophie sort de la salle en laissant la porte ouverte, car je n’ai pas envie d’être aperçue par quelqu’un qui passerai par là. Au retour de Sophie, nous partons pour le restaurant universitaire. Bruno rentre chez lui.
Depuis le confinement, il y a beaucoup moins de monde au restaurant universitaire, et beaucoup moins de bruit. Je trouve l’atmosphère plus agréable, et nous avons notre repas à emporter en 5 minutes. Ce midi, le plat végétarien est composé de pâtes à la sauce tomates et de brocolis, je prends également une soupe aux légumes et une salade de fruit. Nous retournons près le patio et nous installons sur une des tables du campus qui fait face au bâtiment. On n’entend presque pas de bruit sur le campus, si ce n’est la circulation. Le repas est bon. Je pense que le fait de préparer moins de portions améliore la qualité de la cuisine. En mangeant, nous discutons de pas mal de sujet, l’ambiance du campus (presque vide), nos anniversaires (devra-t-on les fêter confiné ?), vaguement aussi du vaccin… Je suis fatiguée. Je fume une cigarette. Alissia sort son jeu de carte et nous jouons à 4 parties de Papayoo. Je perds 2 fois, Sophie une fois, et Alissia une fois aussi. Je fume une dernière cigarette avant que nous rentrions.
Nous sommes un peu en retard pour le cours de statistiques. Les bruits de travaux sont toujours là. Comme nous suivons le même cours, nous déterminons qui met le son du cours sur son ordinateur, pour qu’on puisse l’écouter sans mettre d’écouteurs. Je comprends toujours assez mal le cours. Bruno arrive avec 20min de retard, et cherche une prise pour son ordinateur. Notre enseignant parle de concepts complexes. Cela n’a pas l’air de le passionner. Alissia remarque « même le prof s’ennuie ».
J’ai du mal à me concentrer sur le cours parce que je ne comprends pas la méthode suivie, ça va trop vite pour moi. Je vais sur les réseaux sociaux mais l’observation me rend consciente de ce que je fais, et je m’oblige à me concentrer sur le cours. Peu avant la fin de son cours, le micro de notre enseignante se coupe, nous commençons donc une nouvelle partie de carte.
A la fin du cours, vers 15h30, je reçois un message de l’amie à qui je fais passer le questionnaire à 16h30, me disant qu’elle était disponible. Je change de salle pour l’appeler. La passation prend plus de temps que prévu (45min au lieu de 30) car nous prenons des nouvelles l’une de l’autre. J’ai été surprise par certaines de ses réponses concernant ses habitudes et sa vision de l’épidémie, bien que ses réponses soient assez cohérentes avec ce que je sais d’elle. Je fais passer dans la foulée (et en retard) le questionnaire à une autre personne, toujours par téléphone. Je ne connais pas beaucoup la deuxième enquêtée car je ne l’ai jamais rencontré, nos chemins se sont croisés sur Twitter où nous discutons occasionnellement d’intérêts que nous avons en communs. La passation ne dure que 25min cette fois. Pendant ma conversation avec elle, Sophie et Alissia passent me dire au revoir. Je rejoins Bruno dans la salle d’étude.
A 17h, j’assiste à une réunion sur l’accompagnement des jeunes pendant le confinement. Je prends en note ce que je trouve pertinent pour le jeune que j’accompagne. Je n’aime pas beaucoup assister à leurs réunions car cela me prend toujours du temps quand j’en ai le moins, mais elles sont obligatoires et je ne peux nier qu’elles sont d’une certaine aide.
A 18h, j’enchaine avec un autre cours. A ce stade, je suis extrêmement fatiguée, d’autant plus que je dors très mal depuis quelque temps, et mon dos me lance. Je rédige mon compte rendu de la passation de questionnaire en attendant que le cours démarre, et le fini pendant le temps de réflexion sur les remarques que l’on peut adresser au questionnaire (ce qui tombe bien car c’est aussi le sujet du compte rendu). J’éprouve un certain sentiment de frustration car je n’arrive pas à prendre la parole. Je fini par opter pour une participation par le chat de BBB. Il me reste encore une heure à tenir. Bruno a fini de travailler et s’en va. Je décroche régulièrement du cours, et suis distraite par une conversation Messenger. J’ai le sentiment que ma journée a été totalement improductive. Je n’ai pas beaucoup travaillé mes cours, et j’ai un examen demain que j’échouerai certainement.
Le cours terminé, je désinfecte la salle et éteint les lumières, puis préviens de mon départ pour que M. S il ferme la salle. Il me questionne sur la prochaine fois que je fini à 20h puis me souhaite une bonne soirée. Je descends les 3 étages qui me séparent de la sortie et m’assied sur un banc devant le patio pour fumer une cigarette.
Je rentre de la fac, ferme la porte d’entrée (à clé), monte les escaliers avec mon vélo, rentre chez moi et m’allonge sur mon lit. Je passe un peu de temps sur mon téléphone. J’ai faim, mais pas l’énergie de chauffer des restes. Je me contente de manger deux barres de chocolat et un sandwich au fromage. Je commence à somnoler mais ne veux pas me coucher tout de suite car j’ai du travail en attente pour le reste de la semaine. Mais la fatigue m’empêche de faire quoi que ce soit de toutes façons. Je me resigne et vais dans la salle de bain retirer mes lentilles, me brosser les dents, laver mon visage, puis me met en pyjama et me couche à 21h. Il me faudra tout de même attendre une bonne heure avant de finalement m’endormir.